Peut-on maigrir en trompant son cerveau?

Pour éviter l’effet yoyo et perdre du poids durablement, le neuroscientifique Michel Desmurget, ancien obèse, nous explique comment il a « trompé son cerveau » et ainsi rééquilibré les entrées et les sorties caloriques.

« Il y a bientôt six ans, je pesais 129 kilos pour 1,75 m », débute l’ouvrage de Michel Desmurget, co-auteur de L’Anti-régime au Quotidien (éd. Belin) et neuroscientifique. En trois ans, il a perdu 50 kilos, après avoir tenté un nombre incalculable de régimes. « La chronobiologie, Adkins, Dukan, paléo, je les ai tous faits avant de comprendre que j’étais en train d’épuiser ma santé, nous explique-t-il. Quand vous êtes gros, la société vous renvoie l’image de quelqu’un de veule, de sale, qui n’a aucune volonté et en qui on ne peut pas avoir confiance. Il y a une brèche affective immense qui fait que l’on est prêt à acheter ou faire n’importe quoi pour maigrir. »

Mais un jour, c’est le déclic. « J’étais lassé de perdre 10 kilos pour ensuite en reprendre 12. Je me suis dit que soit j’étais génétiquement programmé pour être obèse, soit il y avait quelque chose que je n’avais pas compris. Je me suis alors tourné vers la littérature scientifique pour comprendre le fonctionnement de mon corps et ses différentes failles. »

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Un corps plus intelligent qu’on ne le pense

Si les régimes hypocaloriques fonctionnent, Michel Desmurget l’affirme, « cela ne dure qu’un temps. Le corps ne fait pas la différence entre un régime et un état de famine. Il va sentir le danger et faire plus de réserves ». On observe alors une adaptation physiologique à laquelle la volonté, aussi forte soit-elle, ne résiste généralement pas.

« La sensation de satiété s’affaiblit tandis que la faim devient omniprésente. Nos envies de gras et de sucre s’accentuent et ne pas céder aux pulsions devient impossible. Il faut y aller doucement pour ne pas brutaliser la mécanique. Je trouve aberrant que l’on parle de régimes promettant des pertes de poids en quelques semaines. Si je vous disais que je voulais prendre dix kilos en cinq semaines, vous me diriez que je suis fou. »

Autre phénomène physiologique résultant de ce mécanisme de défense de l’organisme, une personne qui a maigri brûlera moins de calories que quelqu’un qui n’est pas à la diète. En effet, le corps va s’adapter à ce nouveau régime « de la même manière que lorsque l’on court, les muscles vont s’habituer à l’effort. Soumis à un régime, le corps va apprendre à économiser ses calories. »

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L’importance d’avoir une conscience nutritionnelle

Le cerveau n’est pourtant pas infaillible. « On peut maigrir à condition d’y aller doucement. Si le corps n’est pas brutalisé, il ne se défendra pas et n’enverra pas de mauvais signaux à son cerveau. »

Inutile alors de s’épuiser à la salle de sport ou de manger des endives chaque soir. Perdre du poids durablement se fait au prix de tout petits efforts. « Il ne faut pas bouleverser son alimentation ni se soumettre à un programme d’exercices démoniaque, mais juste gratter quelques calories ici et là. Par exemple si l’on a envie d’une pizza, on choisira celle avec les ingrédients les moins caloriques. En termes d’exercice, on descendra du métro plus tôt pour terminer en marchant, et ainsi de suite. » Cumulés jour après jour, ces gains isolément minuscules, finissent par peser des dizaines de kilos. Mais pour que ça marche, il est indispensable d’avoir une bonne conscience nutritionnelle afin de savoir où économiser les calories.

Tromper sa faim

L’envie de manger n’est pas uniquement déclenchée par la faim mais par le biais de stimuli visuels, d’où l’importance de ne pas laisser à porter de vue ses aliments, en particulier sucrés. « Autant s’éviter des tentations inutiles. On va cacher et ranger afin de ne laisser traîner aucune nourriture visible ou à porter de main. »

« Notre organisme est incapable de mesurer précisément la quantité de nourriture qu’il ingère », explique le neuroscientifique. D’où l’importance de revoir la taille de ses portions -qui ne cessent d’augmenter depuis des années- en choisissant de la vaisselle plus petite par exemple. « Tant qu’il y a à manger dans l’assiette, on mange. Et plus les contenants sont grands -assiettes, plats, bols, paquets…- plus on se sert. »

Le moment des courses est également l’un des éléments clés de la perte de poids. Comment résister dans ce lieu aux 1001 tentations et comment résister une fois que le chocolat est dans votre placard? « Ne jamais faire les courses en ayant faim et faire une liste que l’on essaiera de respecter le plus scrupuleusement possible », conseille-t-il.

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Se peser tous les jours

Plus surprenant, Michel Desmurget conseille de se peser ou de prendre ses mesures à l’aide d’un mètre ruban tous les jours, le matin au réveil et à jeun. « C’est le seul moyen de suivre l’évolution de son poids. C’est une bonne méthode de suivi pour se réguler et prendre conscience de ses écarts alimentaires. » Une technique pourtant décriée par de nombreux spécialistes car soupçonnée de favoriser les troubles du comportement alimentaire.

Des résultats lents à arriver mais durables

« Nous ne sommes pas des robots, c’est normal de craquer. Il faut l’admettre et ensuite se remettre sur les rails », explique-t-il. Ces ajustements environnementaux, comportementaux et alimentaires discrets vont ainsi « tromper la vigilance de ce cochon de cerveau ». Le rééquilibrage des entrées et sorties caloriques va entraîner une perte de poids conséquente sur plusieurs années. En supprimant quotidiennement l’équivalent d’un croissant, par exemple, on estime qu’on perdra « environ huit kilos en un an, et encore quatre kilos l’année suivante pour arriver au final à un total de quinze. Il faut être patient et maigrir progressivement, c’est la seule façon de perdre durablement. »

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